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Histoire de l’Abbaye
Article mis en ligne le 23 août 2023
dernière modification le 25 août 2023
UN PEU D’HISTOIRE


quelques cartes postales anciennes

 

HIER , L’HISTOIRE

Jean de Ravalet, Seigneur de Tourlaville, et Madeleine de la Vigne, son épouse, offraient en 1623, à l’Abbesse de Vignats, Anne de Médavy, une cousine de Madeleine de la Vigne, deux maisons sises à Cherbourg, rue au Fourdray, pour y établir un monastère de l’Ordre de Saint Benoît, à la condition que la sœur de la donatrice, Charlotte de la Vigne, qui était moniale à Vignats, en devînt la première Supérieure. Anne de Médavy venait d’introduire en sa communauté la réforme monastique telle qu’elle était mise en œuvre à l’Abbaye de Montivilliers par Louise de L’Hospital. L’Abbesse de Vignats s’était rendue, en compagnie de Charlotte de la Vigne à Montivilliers de façon à mieux connaître la nature de cette réforme et surtout rencontrer Louise de L’Hospital elle-même.

 Le 2 Décembre 1603, sous le règne d’Henri IV, étaient décapités à Paris, en Place de Grève, Julien et Marguerite de Ravalet, le frère et la sœur. Ils avaient été condamnés la veille, sous la double inculpation d’inceste et d’adultère, car Marguerite était mariée à un gentilhomme de Valognes, Jean Lefèvre de Hautpitois. Leur jeunesse, - ils avaient 19 et 17 ans - la beauté de Marguerite, leur courage aussi pendant le procès, enfin, il faut oser le dire, le caractère scandaleux de leur histoire, avaient attiré l’attention sur eux, et parfois même une sorte de sympathie générale. Très vite, cet événement va être transformé en ce qu’on va appeler « l’affaire Ravalet ».

 Certains, surtout au 19ème siècle ont cru devoir relier ces deux épisodes : affirmant que Julien et Marguerite étaient les enfants de Jean et Madeleine de Ravalet, alors qu’ils étaient frère et sœur de Jean, leur imagination a ensuite brodé, inventant l’idée que la création du monastère était, dans leur douleur, une « réparation » du double crime de leurs enfants.

 Sans gommer le tragique des événements, l’Histoire est plus simple. La vérité est que la famille de Tourlaville s’était déjà rendue célèbre -avant l’affaire Ravalet comme après- par sa générosité et notamment par ses dons destinés à fonder couvents, chapelles, institutions religieuses

 Voilà donc signée, le 24 novembre 1623 la charte de fondation du monastère. En décembre 1623 Mgr Jacques Camus, Evêque de Séez, accorde à Charlotte de la Vigne et à ses compagnes la permission de quitter l’Abbaye Sainte Marguerite de Vignats pour Cherbourg. Le 25 janvier 1624, à Cherbourg, en ce lieu qui leur était offert, la croix était plantée par le Sieur Curé Official, mandaté par Mgr Nicolas Bourgoing, Evêque de Coutances.

 Charlotte de la Vigne et ses compagnes, au cours du voyage de Vignats à Cherbourg, s’arrêtèrent au sanctuaire de Notre Dame de la Délivrande, près de Caen. C’est alors qu’elles firent le voeu de placer la future Abbaye sous le vocable, honoré en ce lieu de Notre Dame de Protection. Puis elles s’embarquèrent à Ouistreham, pour se rendre par mer, à Cherbourg. Prises dans une violente tempête qui menaça d’engloutir leur vaisseau, elles implorèrent la Mère de Dieu et renouvelèrent le voeu de confier le nouveau monastère à la Protection de Notre Dame. La tempête s’apaisa et elles purent débarquer à Cherbourg.

 Vers la fin de l’année 1626, sévit une épidémie de peste. La contagion atteignit les religieuses et plusieurs d’entre elles moururent. Les autres demandèrent à l’autorité diocésaine de se retirer à Tourlaville. L’épidémie continuant à s’étendre, elles quittèrent Tourlaville pour Emondeville d’abord et avec une nouvelle licence en date du 12 décembre 1626, elles gagnèrent Valognes, s’établissant au Manoir l’Evêque où elles demeurèrent cinq ans environ.

 D’excellents sujets se présentèrent alors pour embrasser l’état religieux. Le danger de contagion passé, les Bénédictines pensaient regagner Cherbourg ; mais les Valognais les pressèrent de se fixer dans leur ville. Considérant alors Valognes comme plus favorable à l’établissement d’un Monastère " le lieu plus spacieux

et l’air plus agréable et tempéré, " Madame de la Vigne acheta le 24 février 1629, un terrain appartenant à Charles Rislon, Sieur du Sicquet, Procureur du Roi. La même année, le nouvel Evêque de Coutances Mgr. Léonor de Matignon, encouragea cette entreprise en donnant le consentement canonique.

 La sympathie générale accompagnant cette oeuvre, les bâtisseurs s’y mirent avec entrain. Dès 1631, les travaux de construction étaient assez avancés pour que les moniales puissent emménager. Et le dimanche 5 octobre 1631, Messieurs les Vicaires Généraux de Coutances, accompagnés du clergé de Valognes, conduisirent Madame de la Vigne et sa Communauté du Manoir l’Evêque au nouveau couvent de la rue Aubert et y plantèrent la croix.

 Le Roi Louis XIII octroya à Madame Charlotte de la Vigne, Supérieure, une charte

confirmant la donation et permettant de poursuivre la construction du Monastère.

 Le 23 mai 1635, la première pierre de l’Eglise fut bénite par M. le Vicaire Général et posée par la donatrice, Madeleine de Ravalet, soeur de la Supérieure. Le 22 juillet 1640, les Constitutions destinées à préciser quelques points de la Règle de Saint Benoît, furent approuvée par Mgr de Matignon.
Et le 6 juillet 1647, Charlotte de la Vigne était nommée Abbesse.

 Elle recevait la Bénédiction abbatiale le 9 octobre, des mains de Mgr Claude Auvry, nouvel Evêque de Coutances. Le 25 août de l’année suivante eut lieu la consécration de l’église de l’Abbaye dédiée à la Vierge Marie, sous le vocable de Notre Dame de Protection.

 Charlotte de la Vigne, fondatrice et première Abbesse s’éteignit le 18 février 1664 ; elle avait 71 ans. Elle laissait une communauté d’une soixantaine de moniales qui, selon le souhait des fondateurs, " s’employaient à l’éducation des filles et au soin de quelques personnes âgées. "

 De 1690 à 1710, l’Abbaye connut des années fort difficiles, et les privilèges royaux accordés en 1656, ne dispensèrent pas de lourdes charges financières. Le pain fut longtemps le seul mets au réfectoire. Pourtant la Communauté se développait et atteignit le nombre, jamais égalé depuis, de 75 religieuses.

 Lorsque l’Abbesse de cette époque, Madame Charlotte de Briqueville de la Luzerne, se démit de sa charge en 1706, les bâtiments étaient achevés, les dettes et emprunts acquittés. Lui succéda Gabrielle d’Orléans de Rothelin puis Madame Castel de Saint Pierre ( Soeur de l’Abbé de Saint Pierre 1658-1743 qui publia un "Projet de paix perpétuelle" et une critique de la politique de Louis XIV qui le fit expulser de l’Académie Française. Il participa à la fondation du Club de l’Entresol) ; sous sa sage administration, l’Abbaye connut des jours plus prospères.

 Peu de faits marquants de 1710 à 1790 ; célébrations liturgiques et travaux divers rythmaient le temps : ainsi la confection de vêtements liturgiques brodés par les moniales. Durant cette période paisible l ’Abbaye jouit d’un grand prestige dans la Vicomté de Valognes et dans les environs.
De nombreuses élèves sont accueillies ; parmi elles, de 1772 à 1774, venant de Barfleur, celle qui deviendra Sainte Marie Madeleine Postel, après avoir caché les prêtres réfractaires pendant la Terreur, elle fondera une Congrégation d’enseignantes dans l’antique Abbaye de Saint Sauveur le Vicomte relevée de ses ruines par ses soins.

 Les Abbesses se succèdent : Madame Marie Madeleine de Pierrepont, Madame Marie Françoise de Faoucq de Jucoville. Le calme de cette longue période fait penser justement au calme précurseur des tempêtes ; une nouvelle page va s’ouvrir dans l’histoire de notre Abbaye.
 

 Avec l’Eglise catholique en France, elle va subir pendant la Révolution, l’assaut des persécuteurs. Elle souffrira dans ses biens, dans ses personnes, pour se redresser, avec des forces neuves, une fois passée la tourmente.
Le 13 juillet 1790 est promulgué le décret de suppression des voeux monastiques. Madame Elisabeth Millo, alors Abbesse, envoie aux députés de l’Assemblée Nationale une vigoureuse protestation. Durant un peu plus de deux ans, les religieuses purent demeurer dans leur Abbaye, mais sans avoir le droit de recevoir de nouvelles soeurs.

 En septembre 1792, le Maire de Valognes, accompagné de gardes nationaux, fait la visite de l’Abbaye. Au cours de cette perquisition, ils ne trouvèrent rien. Cependant, quelques jours plus tard, ils reviennent enlever les grilles, les cinq cloches et divers objets précieux afin disent-ils " d’armer les défenseurs de la Patrie " .
 

 Le 29 septembre, en la fête de Saint Michel, les religieuses sont expulsées. Certaines, dont l’abbesse, connaissent la prison. Une Sœur âgée meurt en prison. Puis, un petit groupe autour de l’Abbesse Madame Millo, put se réfugier dans une modeste demeure, sise dans l’actuelle rue des Religieuses, d’autres rejoignirent leur famille dans les environs. Désormais sans clôture, sans habit distinctif, elles restèrent pourtant fidèles pendant toute la Terreur, à leurs engagements religieux, se réunissant chaque jour pour prier en commun, assurant ainsi, malgré les dangers et les emprisonnements, la pérennité de l’Abbbaye.

 La grande

figure de cette époque fut Mère Saint Benoît du Mesnildot. C’était une Valognaise, économe et soutien de sa Supérieure. Elle fut arrêtée et emprisonnée à l’Hôtel de Vauquelin.

 Une période de détente suivit la Terreur et la Communauté s’installa le 20 juin 1795 dans l’Hôtel de Saint Rémy : c’est là que mourut Madame Millo,le 21 février 1797 et Madame du Mesnildot fut élue supérieure.

 Les démarches entreprises par les Bénédictines pour retrouver les bâtiments de l’Abbaye furent vaines : les bâtiments avaient été vendus comme « biens nationaux », et rachetés beaucoup plus tard par la municipalité pour y installer l’hôpital. Avec les années, la communauté s’amenuisait, et il sera longtemps encore interdit d’accueillir des postulantes.

 Il fallut attendre 1810 et compter sur le zèle sans borne de Madame du Mesnildot et de l’aumônier, le R.P François Reymond dit : de Saint Maurice, pour que le monastère soit rétabli. .

 En 1810, Mme du Mesnildot put acheter à M. d’Harcourt, l’ancien couvent des Capucins, ceux-ci avaient été dispersés définitivement à la Révolution. L’achat du couvent signifiait pour Mme du Mesnildot le choix résolu de la vie contemplative. La Communauté put s’installer en ses nouveaux locaux le premier dimanche de l’Avent 1811. L’état de très grand délabrement du monastère imposait d’énormes réparations. Les travaux les plus urgents furent réalisés dans les quinze mois qui suivirent l’installation. La clôture fut rétablie, l’on rouvrit le pensionnat et reprit l’accueil de dames âgées.

 De l’époque des Capucins, il reste un retable du XVIIème siècle encadrant un tableau du peintre Laurent de la Hyre : une Adoration des Bergers.

 L’autorisation légale d’exister fut donnée en 1816 ; s’ouvrit alors une nouvelle période de prospérité et de paix laborieuse. Entre 1816 et 1825, quarante vêtures et trente six professions ; et quand Mme du Mesnildot mourut en 1825, elle laissait une communauté florissante, attachée à ce qui avait été les forces de sa vie : prière et austérité.

 Mère Saint Ambroise Aubin la remplaça et continua son oeuvre. Comme l’abbatiat était resté supprimé depuis la Révolution, des Supérieures se succédèrent par périodes de six ou douze années. Il incomba à Mère Saint Antoine Houel de diriger la Communauté aux heures difficiles de la Révolution de 1848 puis de la guerre de 1870.

 Mère Saint Louis Décombejean, Mère Saint Benoît Tostain, Mère Alphonse Martin Martinière furent à la tête de la Communauté les unes après les autres. Le XIXème siècle fut pour l’Abbaye, une période de prospérité tant spirituelle que matérielle. Et le 20 juin 1895, on pouvait célébrer la bénédiction des trois cloches de l’Eglise.

 Bientôt, la loi contre les Congrégation religieuses, votée le 7 juillet 1904, fit l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel d’été. Le 11 juillet, la Supérieure, Mère Saint Augustin Grandin, apprenait par le Journal Officiel, la fermeture du pensionnat et de la maison d’accueil des dames âgées. Dès le 17 juillet, le pensionnat était définitivement fermé. L’ordre fut donné à la Communauté de quitter les lieux avant le 1er octobre. Les termes étaient clairs : " poursuivre les Bénédictines à outrance." L’Abbaye résista et lutta pendant deux années.

 Mère Saint Augustin fut plusieurs fois convoquée au Tribunal et il y eut des visites qui n’étaient rien moins que courtoises. Mais toutes ces perquisitions ne révélèrent que la pauvreté de la Communauté. Les Bénédictines cependant songèrent à l’exil : un petit groupe partit préparer une maison à Guernesey. Enfin le 23 février 1906, le Conseil d’Etat reconnaissait la Communauté. La vie reprit donc. Le noviciat rouvrit ses portes dès 1908 , Mère Saint Raphaël Alexandre étant alors supérieure. Lui succéda, le 10 février 1925, Mère Sainte Anne Requier Desjardins. Elle entreprit des réparations et fit restaurer plusieurs parties des bâtiments. En 1938, la Communauté comptait 42 religieuses.

 Le drame de la guerre mondiale n’entraîna, les premières années, que les souffrances liées à l’Occupation. Mais en juin 1944, les bombardements qui accompagnèrent le Débarquement

bouleversèrent la Communauté et laissèrent de profondes cicatrices. Entre le 6 et le 20 juin 1944 ,ce sont 84 bombes qui tombèrent dans l’enceinte du monastère, épargnant heureusement les bâtiments. Devant le danger, les soeurs se réfugièrent à la campagne, d’abord à Huberville puis à l’école d’Yvetot Bocage. Il n’y eut qu’une seule victime : Soeur Saint Ange tuée sous les murs de L’Abbaye. Le 18 juillet, les soeurs réintégraient le monastère, mais les dégâts étaient importants : vitres pulvérisées, murs abattus, toitures arrachées, un corps de bâtiment écrasé.

 En 1950, la Constitution " Sponsa Christi " du Pape Pie XII invitait à une mise à jour des modes de vie des monastères féminins. Mère Sainte Anne qui était à nouveau supérieure, vit la nécessité de revoir les Constitutions qui étaient encore celles de 1640.
 

 Une jeune fille de Paris avait trouvé refuge à Valognes pendant la guerre de 1914 avec sa famille ; par la suite elle était entrée à l’Abbaye Sainte Scholastique à Dourgne dans le Tarn, mais était toujours restée en relation avec les religieuses qui les avaient accueillis. Mère Sainte Anne s’adressa donc à cette Communauté nombreuse pour demander aide et conseil.

 Il y eut des voyages de l’une à l’autre Abbaye et en 1953, plusieurs soeurs de Dourgne vinrent aider le

monastère normand. En cette même année, l’une d’elles, Mère Hildegarde Trabarel fut élue supérieure. Elle fit restaurer l’église très abîmée par la guerre, retrouvant la voûte en bois du temps des Capucins recouverte par une voûte en plâtre en 1812, donnant au vaisseau toute sa longueur, ornant les fenêtres de vitraux du peintre Léon Zack.

 En octobre 1956, l’abbatiat était rétabli après 160 ans d’interruption. Le 14 septembre 1957 eut lieu la consécration des autels et le lendemain, Mgr Jean Guyot évêque de Coutances, conférait la bénédiction abbatiale à Mère Hildegarde Trabarel. De nouveau, l’Abbaye connut une période faste et de nombreuses entrées.

 

 En 1961, elle put répondre à l’appel de Mgr Zoungrana, archevêque de Ouagoudougou, de fonder un monastère en Haute Volta ( actuellement Burkina Faso ). La prospection d’un terrain, fit découvrir en pleine brousse, Koubri, et la construction put commencer. L’installation eut lieu le 20 août 1963. Ce monastère est maintenant indépendant sous la conduite d’une supérieure africaine mais les liens restent très étroits entre les deux communautés d’Afrique et de France.

 


En 1972, Mère Hildegarde remet sa charge abbatiale ; est élue abbesse Mère Bénédicte Engelmann qui dirigera la maison jusqu’en 1997. Lui est revenue la charge de mettre en œuvre les propositions de réforme du Concile Vatican II pour les communautés religieuses, et spécialement la rénovation de la liturgie. Elle mourra à l’abbaye le 29 septembre 2012.
Lui a succédé, le 7 Avril 1997, Mère Jeanne-Marie Letouzé. Depuis février 2014, la charge de Supérieure de la Communauté a été confiée à Mère Clotilde Lesigne.

 

 

En marge de la béatification du martyr Pierre-Adrien Toulorge : Soeur Saint Paul Beuve, bénédictine.

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